|20 travailler la porte ouverte

On parle de « travailler la porte ouverte » pour désigner un travail où le public est libre de voir l'évolution (ou la non-évolution) de l'idée. C'est l'idée de l'oeuvre en chantier, voire de l'oeuvre avant même qu'on puisse parler d'oeuvre.

Évelyne de la Chenelière, ouvrant sa résidence à l'Espace Go en 2014, a choisi de faire d'un des murs du théâtre son carnet de travail, affirmant vouloir « donner au mot résidence son sens littéral^[delachenelière2019] ». Ce faisant, elle se trouvait à investir la notion même du travail de l'écrivain, de la dimension physique, tangible, de l'écriture. Réflexions et confrontations (avec soi) s'ensuivirent[1].

Travailler la porte ouverte, c'est accepter d'apprendre en public : dans un monde trop souvent centré sur le résultat, l'approche de la porte ouverte permet de montrer tous les détours, le processus, le parcours (en bref, l'acte 2) menant à ce résultat. En ne pensant à l'oeuvre que comme l'aboutissement, on en gomme toute la mécanique, l'évolution, qui est souvent le plus intéressant : on se met à penser en termes de génération spontanée, de génie.

Je crois plus ou moins à la finitude d'une oeuvre. Mes projets, même publiés, ne sont généralement que des paliers dans une démarche plus large. Chaque projet est toujours la suite et le commencement d'un autre. Je n'aime pas que l'oeuvre soit une parole définitive.

Mais je mentirais de dire qu'il n'y a pas aussi dans cette manière d'écrire quelque chose de plus personnel : je cherche à explorer mon rapport à la publication, à naviguer les mondes du public et du privé. Je veux questionner mon propre besoin de validation, mes propres intentions par rapport à une écriture plus occasionnelle, où je m'affiche plus ou moins sans le masque de la fiction.

références


  1. Autour de ce projet, l'autrice se remémore une interaction avec une personne lui ayant demandé, lors d'un événément-bénéfice, quelle était « son ambition », la laissant tétanisée de réaliser qu'elle n'avait même jamais envisagé son parcours sous l'angle de l'ascension ou de la production. ↩︎