sur l’officialité du texte écrit
La parole écrite est souvent associée à l’idée d’officialité, particulièrement à l’ère du Web. Cette association est toutefois dangereuse : le site web crée une illusion (par son apparence soignée, sa mise en page, son ethos) qui n’est pas nécessairement indice de sa véracité. Le faux bien sûr ne date pas d’hier, mais ce qui est nouveau, il me semble, c’est cette idée que tout texte, du tweet à l’article de blogue, est une idée vraie et vérifiable[1] : comme le souligne Shawn Wang dans ses conditions d’utilisation du digital garden, « [n]ous avons été conditionnés depuis des décennies à croire en la finalité et l’autorité de la parole écrite[2]. »
Le jardin de pensée nous sort de la relation habituelle avec le texte écrit. Le jardin n’est pas un blogue, ni un magazine. Le jardin est plutôt un espace habitable à l’intérieur du web, et un espace constamment en chantier :
« Through [digital gardens], people are creating an internet that is less about connections and feedback, and more about quiet spaces they can call their own. » (Taya Basu, « Digital gardens let you cultivate your own little bit of the internet », MIT Technology Review, 2020.)
Accepter l’idée qu’un texte, comme toute idée, est vouée à se transformer et à se développer, implique un tout nouveau rapport à l’expression de ses idées dans le monde : en ce sens, plusieurs jardinistes adoptent également le principe du learning in public, une philosophie selon laquelle l’autaire accepte non seulement de partager le fruit de ses réflexions, mais le bourgeonnement de celles-ci, avec tout le niveau d’incertitude, de vulnérabilité et la possibilité ouverte de se tromper ou d’être remis en question publiquement qui peut venir avec.
références
- Hoy, Amy. « How the Blog Broke the Web »
- Basu, Taya. « Digital gardens let you cultivate your own little bit of the internet », MIT Technology Review, septembre 2020.
- Matuschak, Andy. « Write notes for yourself by default, disregarding audience ».
- Groenen, Andy. « My Digital Garden is for Me ».
- Zijlstra, Ton. « 100 Days in Obsidian Pt 6: Final Observations », 7 novembre 2020.
liens vers cette page
- bienvenue dans mon jardin!
- le jardin comme moyen d'épurer l'écriture
- quelques leçons de vie (2022)
- travailler la porte ouverte
Remarquons que, à l’ère de l’intelligence artificielle, mais aussi, comme le soulève Maggie Appleton, à l’ère d’écriture “optimisée” (SEO, branding, automatisation, etc.) qui l’a précédée, on sera amené de plus en plus, si ce n’est déjà le cas, à questionner cette véracité, étant donné la facilité grandissante d’utiliser les outils d’IA pour produire du texte ayant à tout le moins l’apparence d’un texte standard : https://maggieappleton.com/ai-dark-forest ↩︎
Wang, Shawn. « Digital Garden Terms of Service », sur swyx.io, en ligne. https://www.swyx.io/digital-garden-tos/ ↩︎