réflexions sur le processus de publication du jardin
Ce jardin est le fruit d'une longue réflexion durant laquelle j'ai interrogé mon propre désir de publier pendant plusieurs mois. Durant l'hiver et le printemps 2021, j'ai eu la chance de profiter d'une résidence de six mois dans la ville de Montréal pour travailler sur mon premier roman. Cette période a été l'occasion d'une réflexion sur mon propre rapport au fait d'être lu.
J'ai questionné beaucoup mon propre désir d'être lu, tout comme le fait que l'écriture soit devenue pour moi un travail. Lorsque j'ai découvert l'univers des digital gardens (ou jardins de pensée), ma première impulsion était d'utiliser le jardin comme alternative au blogue, délaissé quelques années plus tôt.
Mais le partage d'un digital garden, par son statut d'objet en constante évolution (par rapport à l'article, ou l'essai, objet fixe une fois publié) m'a soudain révélé mes propres insécurités par rapport à l'écriture, ainsi que ce constat soudain d'un nouveau malaise par rapport à l'idée de publication.
La pandémie a eu cet effet étrange sur moi (comme sur beaucoup d’artistes de mon entourage) de réveiller une sorte de doute face à l’idée d’être lu ou vu, un questionnement sur la pertinence de sa propre voix au milieu de ce choeur de voix disparates et chaotiques qu’est devenu (ou qu’a toujours été) le monde. Retrouvant progressivement la réalité en présence — l’émergence de ces nouvelles expressions me fascine toujours de par leur apparence aléatoire —, et ayant habité maintenant depuis plus de deux ans ce manuscrit qui m’aura fait voyager des Îles, à Montréal, jusqu’à mon retour à Québec, je me suis mis à remettre en question la pratique même de mon écriture, ce désir d’être lu, et les motivations qui m’y ont mené.
Ce n’est pas un hasard si je me suis intéressé, au cours de cette période, au champ de la gestion du savoir, des bibliothèques, du classement et de l’organisation des idées : forcé à un isolement plus important qu’à l’habitude — j’ai toujours été, après tout, de nature introvertie —, j’ai eu besoin de poser mes mots dans un autre contenant, de leur donner une matérialité que j’avais fini par perdre avec le temps. En documentant ma pratique, en lui donnant littéralement un corps (le carnet, la Boîte, la carte index), j’ai soudain retrouvé le plaisir concret de l’écriture, comme la poésie des marques d’encre sur ma paume de gaucher. Mais cette matérialité m’a aussi permis, moi qui suis un si grand dévoreur de nuages et d’abstractions, de donner au texte lui-même la franchise, la réalité que je sentais qu’il lui manquait.
Sans savoir évidemment où ce projet ira (le roman est un nouveau genre pour moi, et j’entame ipso facto une nouvelle quête d’un éditeur qui lui conviendra), je ressens la fierté d’avoir appris à écrire un récit, à le porter du début à la fin, moi qui suis si adepte de fragments et de morceaux laissés en suspens.
Le jardin est en quelque sorte l’autre versant de cette expérience d’écriture, et qui se poursuivra, je crois, au sein de mes prochaines démarches. Ayant donné à mon écriture cette sorte de cadre, il me semble possible de renouer la relation que j’entretenais autrefois avec celleux qui me lisent. Il m’apparaît plus important que jamais, maintenant, de renforcer ce lien entre les êtres d’un côté à l’autre de la page (ou de l’écran).
Nous verrons bien sûr où cela nous mène, et sous quelle(s) forme(s) se poursuivra cette relation, mais une chose que je retiens, c’est le renouvellement, après cette période initiale de doute, de mon envie de partager. Curieuses et curieux sont à nouveau les bienvenu. es.