naviguer le public et le privé
L'acte de publier – particulièrement quand il s'agit de réflexions en chantier, de fragments, d'idées encore dans l'embryon de ma pensée – est un lieu criblé de doutes, d'insécurités, mais surtout d'un certain malaise.
C'est plus que la peur habituelle d'être critiqué ou analysé; c'est une impression constante d'enlever à ce qui est une activité ludique sa dimension libre, parce qu'elle gagne tout d'un coup une certaine utilité.
En même temps, l'écueil d'une réflexion réduite à l'intime, c'est que celle-ci n'est pas appelée à interagir avec le monde, et ce faisant, qu'elle menace de tourner sur elle-même. Le fait d'apprendre en public ou de travailler la porte ouverte, c'est aussi un moyen de faire avancer non seulement ma propre réflexion, mais celles de celleux qui interagiront avec les miennes.
Un constat que je faisais récemment est que j'ai parfois tendance, quand une activité devient engageante pour moi, à vouloir lui donner une fonction, une utilité : mon loisir devient alors un travail, une série de tâche, ce qui inévitablement lui enlève de son attraction. Le jardin, il me semble, entre dans cette catégorie : en voulant donner accès à une portion de moi, je me trouve aussi à me priver d'une certaine liberté.
La publication des notes m'apparaît comme un étrange raccourci, un moyen de publier mes idées sans qu'elles ne passent par le filtre (ou l'effort) de leur retravail. C'est similaire à ce que Evelyne de la Chenelière nommait comme le “regarde mon beau dessin” chez les enfants, une quête constante d'approbation, l'impatience d'être lu même si l'on sait que ce qu'on souhaite livrer n'est pas encore abouti.
quelques références
- Nick Gronen, « My digital garden is for me ».
- Tom Critchlow dans cet article réfléchit au fait que le jardin est une manière de se défaire de la performativité de la publication en ligne. Je me rends compte que dans mon approche, la notion de performativité est encore extrêmement prégnante.